Grâce à notre partenaire NOSOTROS voici un excellent article sur les phases arrêtées.
Analyste à la Fédération hongroise de football et auteur prolifique pour Spielverlagerung, István Beregi nous invite à découvrir sa perception des phases arrêtées et de l’analyse du jeu en général.
Comment avez-vous débuté dans le football ?
Après le lycée, mon objectif était de poursuivre mes études en intégrant un cursus universitaire dédié à l’entrainement sportif. A l’époque, on me l’avait déconseillé, car la qualité de l’éducation proposée n’était pas très bonne. J’ai donc décidé d’étudier la psychologie du travail. Après 3 années, j’ai obtenu ma licence, mais je ne suis pas allé au bout de ma maîtrise, car je travaillais déjà dans le football. N’arrivant pas à mener les deux de front, j’ai arrêté mes études. Avec le recul, étudier la psychologie a été une très bonne décision. Cela m’a aidé dans le développement de ma façon de penser, de voir et percevoir le monde.
Durant mes études, j’ai quand même essayé de passer les diplômes UEFA par le biais de la Fédération hongroise de football, mais mes différentes demandes ont été refusées. Cependant, cela ne m’a pas empêché de me former de mon côté, en analysant des matchs pour moi-même, en étant actif sur Twitter et en écrivant des articles.
Le point de bascule a été le Championnat d’Europe 2016, lorsque j’ai commencé à écrire des analyses pour un grand site internet hongrois. Cela a été une bonne base pour proposer mes services à une équipe professionnelle. C’est donc à la suite de cette expérience que j’ai intégré un club de 1ère division, en tant qu’analyste. J’y ai travaillé pendant presque trois ans, puis un changement d’entraîneur a eu lieu, ce qui m’a également affecté.
J’ai donc connu quelques mois d’inactivité, puis j’ai rejoint la Fédération hongroise de football comme analyste du jeu. D’abord sur les équipes nationales de jeunes (U15 à U21) et ensuite l’équipe hongroise A.
En quoi vos études en psychologie vous influencent-t-elles dans vos analyses ? Y a-t-il des choses que vous avez pu transférer au football ?
J’ai l’impression de percevoir les situations, de manière très différente des entraîneurs habituels. Attention, je ne dis pas que je suis meilleur, car ce n’est pas le cas. Mon background en psychologie a un impact sur ma façon de penser, mais aussi de percevoir les situations et de communiquer avec les joueurs. Même si j’ai encore tendance à trop compliquer les choses, cela m’aide à penser stratégiquement, à penser logiquement. Lorsque j’analyse un problème j’essaie d’adopter différents points de vue, différentes perspectives, ce qui rend la pensée stratégique beaucoup plus facile. J’ai l’impression de mieux faire face aux pièges de la pensée.
« Mon background en psychologie a un impact sur ma façon de penser, mais aussi de percevoir les situations et de communiquer avec les joueurs »
Aujourd’hui, j’ai l’impression que beaucoup de formations dédiées au coaching sont très similaires, car les coachs parlent et pensent de la même manière. Tout le monde parle de mettre la pression sur le ballon, d’être compact, d’avoir la possession du ballon, etc. Mais je pense que certains sujets, qui me paraissent essentiels, ne sont pas abordés comme : comment appréhender les biais cognitifs ? Comment développer sa capacité à adopter différents points de vue ? Comment se percevoir à la troisième personne ? Etc. Toutes ces choses affectent, non seulement la planification, les analyses, la stratégie, mais aussi toute la communication.
Les phases arrêtées sont un aspect du jeu que vous semblez beaucoup apprécier. Pourquoi ?
Au départ, c’était un aspect que je trouvais ennuyeux. Lors de ma deuxième saison au sein du club pour lequel je travaillais, j’ai collaboré avec un entraîneur qui adorait ces phases et était très ouvert à de nouvelles idées. Il me demandait de regarder des matchs internationaux pour en trouver et c’est là que j’ai découvert leur beauté (cachée).
J’ai aussi pu constater que c’était un aspect sous-évalué, sous-analysé et mal pensé, du jeu (il l’est toujours). Bien sûr, c’est un aspect qu’il ne faut pas surévaluer, mais il est important de réfléchir à toutes les situations, à toutes les routines, tout comme on peut le faire pour le reste du jeu.
« Il ne faut pas y passer trop de temps et ce n’est pas la partie la plus importante du jeu, mais si nous nous améliorons de 5 ou 10 %, nous accroitrons également nos probabilités de gagner »
On ne peut se limiter à des observations génériques, comme : « il a lâché le marquage, c’est donc sa faute » ou « ils ne centrent pas bien » ou « ils n’attaquent pas bien le ballon », etc. Nous devons trouver de vraies solutions, analyser les choses en profondeur. Il ne faut pas y passer trop de temps et ce n’est pas la partie la plus importante du jeu, mais si nous nous améliorons de 5 ou 10 %, nous accroitrons également nos probabilités de gagner.
C’est donc comme cela que j’ai commencé à analyser ces phases et que j’ai vraiment développé mes idées sur le sujet. Aujourd’hui, si j’analyse les deux derniers matchs d’une équipe, je peux immédiatement voir si les phases arrêtées sont travaillées. Sur une dizaine de matchs analysés, on retrouve parfois quelques routines intéressantes, mais rarement sur le long terme.
Le traitement de ces phases semble aussi avoir beaucoup évolué ces dernières années. Existe-t-il un écart entre ce qui pourrait être fait et ce qui est fait actuellement ?
Je pense qu’il y a un potentiel important, mais encore une fois, j’essaie de ne pas le surévaluer. Malgré le nombre de phases arrêtées qui surviennent durant un match, nous ne devons pas uniquement nous concentrer sur elles. Pourquoi ? Parce qu’elles dépendent des autres phases du jeu. Si vous n’êtes pas bon offensivement, vous ne vous créerez pas d’opportunités sur coups de pied arrêtés. Même si vous le faites, ce sera dans des zones qui ont peu de valeur. C’est donc un aspect qui est vraiment lié aux autres phases du jeu.
Les stratégies défensives, du moins chez les bonnes équipes, sont de plus en plus universelles. La plupart des bonnes équipes défendent, avec des systèmes différents, mais utilisent les mêmes principes : zone, zone mixte ou zone avec des écrans. Il est très rare de voir une équipe qui défend comme Leeds, avec un joueur qui défend en zone et le reste en marquage individuel. D’ailleurs, quasiment 30% des buts qu’ils ont concédé font suite à un coup de pied arrêté. Cela montre vraiment qu’ils ont des difficultés.
« Si vous n’êtes pas bon offensivement, vous ne vous créerez pas d’opportunités sur coups de pied arrêtés. Même si vous le faites, ce sera dans des zones qui ont peu de valeur »
Mais en général, toutes les bonnes équipes défendent en zone. Cependant, comme dans tous les systèmes, il existe des points faibles. L’un des reproches qui est souvent fait est que : si un ballon arrive entre deux joueurs, ils ne sauront pas lequel d’entre eux doit sauter ou qui est responsable. Je dirais que c’est toujours une responsabilité qui est partagée, car vous ne pouvez pas ramener les choses à un seul individu, surtout sur les coups de pied arrêtés.
D’un point de vue offensif, il y a clairement des équipes qui développent, consciemment, des stratégies ou routines spécifiques. Mais ce n’est jamais sur l’ensemble du match. Par exemple, avant le match Liverpool-Tottenham (13ème journée – saison 2020/2021), j’ai écrit un article sur Konzeptfussball : Une approche différente des coups de pied arrêtés. J’y expliquais que je n’avais jamais vu une équipe marquer sur coup de pied arrêté, dans les dix dernières minutes d’un match, à partir d’une routine spécifique. Habituellement, les équipes se contentent de densifier la surface adverse, de faire monter le gardien, mais il n’y a pas de mouvement spécifique.
Lors de ce match, on a pu observer à quel point Liverpool a vraiment développé l’intelligence de ses joueurs. Ils exécutent des mouvements planifiés à l’avance, indépendamment de ce que font les adversaires et de la minute de jeu. Au cours de ce match, on a pu voir Henderson réaliser un écran sur Éric Dier et Firmino a marqué. Les écrans sont très utilisés par Liverpool sur corner et cela s’est produit après 90 minutes de jeu.
C’était donc vraiment intéressant de voir enfin une équipe qui a une stratégie claire sur coup de pied arrêté, même en fin de match. Parce que c’est évidemment à ce moment-là que l’équipe qui défend, est le plus vulnérable. Leur concentration est plus faible qu’en début de match. D’un point de vue stratégique, il faut les attaquer en fin de match.
En ce sens, le but marqué par Alisson contre WBA, est un exemple intéressant, offensivement mais surtout défensivement :
- Si vous défendez en individuel (WBA), même le gardien de but (Alisson) doit être marqué. Ici, il arrive complètement seul.
- Liverpool a également montré comment se démarquer efficacement. En créant un regroupement ils ont forcé les joueurs de WBA à être compact, ce qui leur a permis de facilement se recréer de l’espace, pour attaquer le but adverse. Non seulement, Alisson arrive complètement seul, mais Salah aussi.
- Prise de risque maximum de WBA qui laisse 1 attaquant devant en vue d’une éventuelle contre-attaque + 2 joueurs à l’entrée de la surface (zone 2nd ballon). Ils défendent à 7vs7 dans la surface, alors que défensivement l’objectif principal doit être d’empêcher l’adversaire de marquer, pas de marquer un but. Laisser 1 joueur devant force 2 défenseurs à rester profond, mais une équipe proactive ne modifiera généralement pas le nombre de joueurs présents dans la surface, car elle sait que cela libérera des espaces à l’intérieur.
Idéalement, comment les phases arrêtées devraient être intégrées à l’entrainement ?
Je dirais qu’il faut les intégrer implicitement. Ce n’est clairement pas l’élément centrale d’une séance, mais on ne doit pas seulement les travailler à MD-1, ce que font la plupart des équipes. Parfois, elles les intègrent aux formes jouées, mais ce n’est pas quelque chose de courant. Une manière intéressante de le faire, c’est de « cacher » ce que l’on souhaite travailler dans des jeux réduits. Par exemple, si un jeu réduit (re)démarre systématiquement par une touche, cela permettra aux joueurs d’avoir de nombreuses répétitions, pour vivre les principes et mouvements de base lié à cette phase.
« Le défi, c’est de développer la réflexion des joueurs, afin qu’ils puissent comprendre les situations. Même si l’on utilise certaines structures préétablies, il faut développer leur réflexion et ne pas se contenter de penser au travers de ces structures »
C’est quelque chose qui affectera réellement la manière dont l’équipe se comportera pendant un match. Aussi, il ne faut pas réduire cela à l’apprentissage d’une « chorégraphie de déplacements » à retrouver en match. Le défi, c’est de développer la réflexion des joueurs, afin qu’ils puissent comprendre les situations. Même si l’on utilise certaines structures préétablies, il faut développer leur réflexion et ne pas se contenter de penser au travers de ces structures. Il faut avoir un mélange des deux.
Plus les joueurs vivront une situation, plus ils seront à l’aise. Plus ils rencontreront des situations similaires, plus ils auront la capacité de reconnaitre le type de problème qui émergent. C’est donc une question de prévention. Il s’agit de prévenir l’émergence de certaines situations défavorables. Si vous constatez que vos joueurs rencontrent des problèmes, alors vous pouvez leur parler après l’entrainement, vous pouvez essayer de comprendre la manière dont ils perçoivent les situations. Il vaut mieux le découvrir à l’entrainement, plutôt qu’en match.
Sur les corners offensifs, la zone du premier poteau semble être la meilleure option pour marquer. Est-ce une perspective que vous partagez ?
Cela dépend. Ce que l’on peut observer sur corner, c’est que les meilleures équipes défendent en zone mixte. Je dirais que mettre un ballon au premier poteau pose plus de problèmes à l’équipe qui défend, que le mettre au second. C’est plus aisé, parce que le ballon reste moins longtemps en l’air. Les défenseurs ont donc un peu moins de temps pour ajuster leur positionnement ou le timing de leur saut, etc.
Aussi, les déplacements au premier poteau se produisent généralement dans l’angle mort des défenseurs. Donc quand c’est bien fait, cela pose énormément de problèmes, surtout quand l’équipe adverse défend en zone. Face à du marquage individuel, je dirais plutôt le centre, parce que c’est une zone où vous pouvez causer de nombreux problèmes dans la structure d’un adversaire qui défend de cette manière. Mais d’une manière générale, je dirais que le premier poteau est actuellement la zone qui pose le plus de problèmes à l’adversaire.
Corners rentrants ou sortants ?
C’est une question très difficile. Les statistiques disent que les corners rentrants sont un peu plus dangereux et j’essaie de m’en convaincre, mais je n’ai pas vraiment mis le doigt sur ce qui fait la différence entre les deux. Ma réflexion personnelle sur le sujet n’est pas assez étayée, pour déterminer si l’un est meilleur que l’autre et avoir un avis tranché.
Toutefois, je pense que c’est un choix qui dépend du tireur. Si dans votre équipe il y a James Ward-Prowse, vous n’utiliserez que lui. C’est un très bon tireur de coups de pied arrêtés et un bon centreur. Donc que ce soit côté droit ou gauche, vous avez tout intérêt à les jouer avec lui. Je n’ai donc pas vraiment d’avis sur la question, mais je dirais que les caractéristiques du tireur ont une influence sur le choix du type de corner réalisé.
Quels sont les avantages des corners joués courts ? Qu’est-ce que cela créer pour l’équipe qui attaque, mais aussi celle qui défend ?
Il y a encore quelques temps, cela permettait d’attirer deux joueurs hors de la structure défensive adverse. Depuis, les équipes se sont rendu compte qu’il suffit d’un seul joueur, mais qu’il doit bien couvrir l’angle, généralement de l’intérieur vers l’extérieur. Quand c’est bien réalisé, cela permet à un deuxième défenseur d’avoir le temps d’arriver et de transformer le 2c1 en 2c2.
Généralement, je n’aime pas faire référence à des situations numériques spécifiques, surtout dans des espaces isolés, car cela n’aide pas à la compréhension. Plus qu’une situation d’infériorité qui se transforme en une situation d’égalité numérique, cela permet à un joueur de ralentir deux attaquants, jusqu’à l’arrivée d’un second joueur.
Les effets sont aussi dépendants de la configuration de l’équipe qui défend (en zone ou marquage individuel). Face à une défense en zone, l’objectif de l’équipe qui attaque est de faire sortir l’adversaire et de retarder leur arrivée dans la surface. Lorsque le tireur effectue la passe en retrait, généralement, l’adversaire sort et l’équipe qui attaque peut initier un mouvement contraire.
« Les corners courts on vraiment un effet de traction, qui déplace un peu l’équipe adverse vers le ballon. Même s’ils ne font qu’un ou deux pas vers celui-ci, cela créera de l’espace au second poteau, par exemple »
Même si généralement, les défenseurs s’attendent à ces appels dans la profondeur, la direction étant opposée au mouvement initial, ils ne peuvent pas vraiment ajuster l’orientation de leurs appuis et changer de direction dans le bon timing. Parfois, les équipes sont très agressives dans leurs sorties. Par exemple, Liverpool essaie toujours de jouer le hors-jeu. Lorsqu’il y a une passe en retrait ou à l’entrée de la surface, ils sortent d’au moins 10 mètres, ce qui laisse beaucoup d’espace dans leurs dos.
Les corners courts on vraiment un effet de traction, qui déplace un peu l’équipe adverse vers le ballon. Même s’ils ne font qu’un ou deux pas vers celui-ci, cela créera de l’espace au second poteau, par exemple. D’ailleurs, ce que j’ai pu observer ces derniers temps, c’est que les corners courts permettent surtout d’attaquer le second poteau, car c’est une zone qui est vulnérable sur les centres.
Une équipe qui défend en individuel perdra plus facilement le marquage, ce qui libérera des joueurs. De plus, n’ayant pas vraiment de structure préétablie, ils se retrouveront dispersés un peu partout et ouvriront des zones spécifiques. L’objectif est de les déplacer et leur faire perdre leur organisation.
Un petit mot pour finir sur les équipes qui défendent en zone. Généralement un des attaquants de l’équipe qui défend, fait partie de la structure. Très souvent, c’est le type de joueur qui sort sur le ballon et ne garde pas la position. Cette indiscipline nuit à la bonne couverture de l’intérieur de la surface.
Quel que soit la configuration défensive choisie (défense en zone, marquage individuel ou un mélange des deux), il existe un problème lié à l’orientation. Les joueurs doivent être attentifs au ballon et à sa trajectoire, mais en même temps, aux déplacements des joueurs adverses. Comment gérer ce problème ?
Liverpool a une très bonne solution pour répondre à cette problématique. Ils mettent en place une ligne de 5 joueurs et le premier défenseur s’oriente de manière à voir si un adversaire va essayer de les surprendre en arrivant depuis l’angle mort. En fait les deux premiers défenseurs de la ligne doivent faire attention à cela, mais parfois, la communication est malheureusement inexistante. C’est comme cela que l’Union Berlin a marqué contre le Bayern :
Mais si les deux premiers défenseurs ont une bonne orientation, cela peut être évité. Généralement, c’est l’amorce du geste du tireur, qui déclenche les appels. A ce moment-là, si le défenseur scan visuellement et qu’il y a un appel, il peut alors aller dans la zone du premier poteau.
Un des problèmes de cette structure, c’est que lorsque le premier défenseur sort, cela créer un énorme espace devant le second. Pour éviter cela, Liverpool utilise un » joker « , qui est positionné à quelques mètres du premier poteau. Lorsque le premier défenseur sort, ce joker le remplace. Ayant une orientation plus ouverte au départ, cela lui permet d’avoir une vue d’ensemble sur ce qui se passe dans la surface.
Une bonne couverture de la zone du premier poteau évite au reste de la ligne d’avoir à s’avancer. Ils peuvent rester en position et limitent l’ouverture d’espaces entre eux. Je n’irais pas jusqu’à dire que le joker est quelque chose d’indispensable, mais il est vraiment utile. C’est une solution que j’apprécie vraiment et il semble que cela fonctionne bien pour Liverpool, car ils ne concèdent pas vraiment de buts, de tirs ou de premières touches dans la surface.
Beaucoup d’équipes sont défaillantes sur la couverture du premier poteau, car il manque cette orientation des deux premiers défenseurs. Pour être clair sur la façon de défendre cet espace, je dirais que c’est l’orientation qui cause les plus gros problèmes. Je dirais aussi que l’utilisation d’un joker est une très bonne solution pour remédier à cela. Bien sûr, il est aussi possible de couvrir cette zone via le positionnement et la configuration de la 2ème ligne. Mais la clé, c’est le positionnement de la première ligne et le nombre de joueurs qui la composent.
Dans la surface, quels sont les principaux mouvements utilisés par l’équipe qui attaque, pour perturber la structure de l’équipe qui défend ?
Si c’est bien fait, vous n’attaquez pas uniquement une zone. Comme avec le Jeu de Position, si vous voulez avancer d’un côté, vous devez toujours bien occuper les espaces éloignés du ballon. C’est la même chose sur les phases arrêtées. Vous devez mettre différentes choses en place, pour perturber l’organisation adverse.
Par exemple, vous pouvez concentrer l’attention de vos adversaires sur votre meilleur joueur et lui demander de retarder ses déplacements, pendant qu’un autre joueur effectue le déplacement dans la zone que vous voulez réellement attaquer. Il y a énormément de manières d’attaquer, mais ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est : que voulez-vous voir et que voulez-vous obtenir ?
D’un point de vue défensif, on se contente souvent de dire aux joueurs : « vous ne devez pas permettre aux attaquants de sauter ou tirer dans cette zone » et d’un point de vue offensif : « il faut sauter dans le bon timing ». On ne peut réduire les choses à cela et on ne peut pas non plus envisager les choses de manière idéaliste.
Actuellement, beaucoup d’équipes centrent à l’entrée de la surface pour générer des tirs. Le problème, c’est qu’ils n’ont rien fait au préalable pour libérer le couloir de jeu du tireur. Il y a donc cinq ou six joueurs devant lui et ils bloquent son couloir de tir. Peut-être que de cette manière, ils marqueront un but extraordinaire tous les trente corners, mais je ne vois pas l’intérêt. Il faut donc bien définir ce que l’on veut faire, sans alerter l’adversaire sur nos véritables intentions.
Autre exemple, que se passe t-il très régulièrement, lorsqu’un joueur effectue un écran ? Il est dos au but ou au tireur, ce qui alerte l’adversaire sur ses intentions. Comme ce sont des signes qui sont très faciles à lire, il faut varier les déplacements, dissimuler l’identité des joueurs qui feront les écrans, etc. Les principes restent les mêmes, mais les joueurs changent, pour que l’adversaire ne puisse s’adapter.
Comme au football américain, je dirais que le timing est essentiel. Cela fait vraiment une grande différence d’un point de vue offensif. D’ailleurs, il ne s’agit pas seulement du timing du déplacement, du timing du saut ou de l’arrivée dans la zone que l’on souhaite attaquer. Cela concerne aussi l’arrivée dans d’autres zone, le timing de l’écran qui libère un coéquipier, etc.
Si les joueurs sont trop en avance ou en retard, ils ne seront pas en position lorsque le ballon arrivera dans la zone. S’ils sont là trop tôt, ils risquent de rester dans la zone ou de ralentir leur course pour compenser. Ils ne bénéficieront pas de la même dynamique que lorsqu’ils sautent après une course à une vitesse plus élevée. C’est ce qu’il faut prendre en compte.
Parfois, on peut avoir le sentiment que certaines équipes jouent leurs corners uniquement pour conserver la possession du ballon, pas pour marquer. Est-ce une stratégie qui a du sens ?
Un corner est une situation intéressante pour essayer de marquer. Conserver le ballon peut avoir un intérêt en fin de match, quand on veut perdre du temps. Mais même lorsque les joueurs se font quelques passes, c’est dans le but de déplacer le dispositif défensif, pas pour conserver le ballon. D’un point de vue stratégique, ce sont des moments où vous pouvez facilement vous créer des opportunités, car l’attention de l’équipe qui défend, n’est pas très élevée.
Par ailleurs, l’objectif principal d’une équipe qui défend un corner ou un coup de pied arrêté, devrait être d’empêcher le but. Cependant, encore un grand nombre d’entre elles, veulent jouer la contre-attaque. C’est quelque chose que j’ai beaucoup de mal à comprendre. L’équipe qui attaque doit être particulièrement mauvaise dans sa couverture de l’entrée de la surface, pour vous laisser l’espace nécessaire pour contre-attaquer. Contre de bonnes équipes, cela n’arrivera pas. Peut-être en fin de match, lorsqu’ils prendront des risques et laisseront des espaces ouverts.
Encore une fois, d’un point de vue défensif, l’objectif doit être d’empêcher l’équipe adverse de marquer, pas de marquer sur une éventuelle contre-attaque. Il est très rare de marquer un but en contre-attaque, à la suite d’un coup de pied arrêté adverse, donc je ne pense pas qu’il soit nécessaire de d’avoir une stratégie spécifique. Ce n’est que mon opinion bien entendu, mais c’est un raisonnement que je ne comprends pas vraiment. Bien sûr, si vous vous préparez à une contre-attaque, cela peut un peu conditionner le nombre de joueurs adverses qui attaqueront. Au lieu d’arriver à six, ils arriveront avec quatre joueurs, mais il y aura plus d’espace à couvrir dans la surface. Il faut donc prendre cela en considération.
Quel est votre processus de réflexion lorsque vous analyser les coups de pied arrêtés d’une équipe ?
Lorsque je travaillais en club, j’avais l’habitude d’analyser les dix derniers matchs de nos futurs adversaires. S’il y avait des patterns qui étaient récurrents, je pouvais facilement construire une stratégie ou anticiper ce qui allait se passer. Cela me permettait de fournir des indicateurs aux joueurs. Sur corner, nous défendions en individuel et c’est aussi le cas avec l’équipe nationale aujourd’hui. Quand vous défendez de cette manière, vous devez donner un certain nombre d’indicateurs à vos joueurs, afin qu’ils sachent ce qui va se passer. Les organisations utilisées par l’adversaire, ce que veut dire l’orientation de certains joueurs (écrans potentiels), etc.
Si vous défendez en zone, vous devez beaucoup plus prêter attention aux déplacements eux-mêmes. En fonction de la manière dont l’adversaire attaque le premier poteau, par exemple (un, deux ou trois joueurs), il sera possible d’anticiper ou créer une solution spécifique pour y répondre. Si vous défendez en individuel, ce qu’ils font contre une équipe défend en zone n’aura vraisemblablement pas d’impact sur ce qu’ils feront contre vous. Il faut donc faire la différence, car leurs déplacements seront différents.
Lorsque vous analysez les configurations défensives, vous devez voir tous les petits mouvements qui peuvent causer des problèmes. Comment défendent-ils face à un corner joué court ? Comment sont-ils susceptibles de défendre, si vous arrivez avec quatre, cinq ou six joueurs ? Est-il possible de forcer des échanges de marquage (un de nos bons joueurs de tête vs un de leur mauvais) ? Comment couvrent-ils le premier et le second poteau ? Comment défendent-ils les écrans ? Echangeront-ils de joueur ou suivront-ils leur homme ?
S’ils échangent le marquage, alors vous devez faire des mouvements différents. Peut-être éviter de faire un écran, ou au contraire utiliser cela en créant immédiatement un échange à votre avantage. S’ils suivent, alors comment pouvez-vous leur causer encore plus de problèmes, en libérant un joueur spécifique par exemple ? Comment défendent-ils les seconds ballons ? Laissent-ils un joueur en attaque ? Etc. Donc, il s’agit vraiment de faire attention à tous les détails.
Si vous trouvez une faille, tout ce que vous avez à faire, c’est construire votre stratégie pour l’exploiter. S’ils sont en difficultés face aux joueurs qui se positionnent à l’entrée de la surface et qu’ils maintiennent une certaine distance avec eux, alors vous pouvez créer un avantage dynamique que vous pouvez utiliser sur chaque corner. Dans l’ensemble, tout ceci est valable pour analyser les coups de pied arrêtés, mais aussi les moments avec et sans ballon.
C’est quelque chose auquel je réfléchis depuis un certain temps maintenant mais, mon objectif est d’analyser la dynamique de prise de décision de l’adversaire. C’est-à-dire, comment réagissent-ils dans différentes situations. Avec l’équipe nationale, nous évoluons avec une défense à trois. Donc, lorsque j’analyse un adversaire, il est logique de l’observer contre une équipe qui évolue dans la même configuration que nous. Cela permet de savoir comment ils ajustent leurs stratégies, leurs tactiques, etc.
Quand le latéral monte et que l’ailier rentre à l’intérieur, comment réagissent-ils à cette situation ? S’ils se contentent de marquer individuellement, vous pouvez anticiper le fait que s’ils jouent de nouveau contre une défense à trois, ils feront surement la même chose. Bien sûr, il y a une question de stratégie, de la manière dont s’organisent, mais surtout de la façon dont ils prennent des décisions dans des situations spécifiques. Vous devez construire vos analyses sur cette base et, à partir de là, vous pouvez vraiment anticiper les comportements possibles durant le match. Je dirais que c’est le point clé.
Finalement, analyser un match, c’est émettre des hypothèses. Vous évaluez les décisions prises par les joueurs et, sur la base de leurs comportements précédents, vous imaginez ce qui pourrait se passer contre l’équipe que vous allez jouer ensuite ?
Essentiellement, oui. Bien sûr, un entraîneur peut proposer des solutions différentes ou changer de système, ce qui changera toute la dynamique du match. Mais il y aura des situations spécifiques où les principes utilisés pourront être les mêmes. Par exemple, la recherche d’un certain type de mouvement ou d’un certain joueur.
Même si le système est un peu différent, les principes resteront essentiellement les mêmes. Ce ne sera donc pas exactement ce à quoi vous vous attendiez, mais leur orientation sera essentiellement la même dans des situations spécifiques. Ce sont des choses que j’ai encore du mal à formaliser correctement, car c’est une réflexion nouvelle pour moi, mais c’est une approche à laquelle je réfléchis beaucoup actuellement.