Variabilité du « Jeu de Position » de la 1ère ligne de Manchester City

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Cet article est la 1ère partie d’une analyse réalisée par Illies Lebrun et Olivier Alberola, à partir de l’observation de 5 matchs de Manchester City. Retrouvez les autres analyses avec le lien ci dessous: https://nosotrosxp.com/le-jeu-de-position-de-la-1ere-ligne-de-manchester-city/?

Cette partie est axée sur les adaptations de la ligne défensive de City, pour faire face aux caractéristiques structurelles de la 1ère ligne offensive de leurs adversaires.

Les Cityzens surfent sur une vague positive depuis leur victoire en Ligue des Champions face à l’Olympiakos (0-1) en Novembre dernier. Depuis, c’est 21 victoires (toutes compétitions confondues) et 3 matchs nuls avant de chuter dans le derby mancunien. Pep Guardiola avait annoncé, au début du mois de Février que son équipe allait mieux car… « elle courait moins ».

L’analyse que nous proposons sera axée sur les différentes organisations de la première ligne des Cityzens quand elle dispose du ballon. Nous tenterons de décrypter leur capacité à interpréter collectivement les espaces et à manipuler les lignes adverses. L’émergence récurrente de supériorités numériques et qualitatives à la périphérie et positionnelles (voire dynamiques) à l’intérieur, caractérise en partie le succès des joueurs de Guardiola.  

Les matchs analysés :

  • Liverpool / Manchester City (Journée 23)
  • Manchester City / Tottenham (Journée 24)
  • Everton / Manchester City (Journée 16)
  • Arsenal / Manchester City (Journée 25)
  • M’Gladbach / Manchester City (8ème de finale aller, Champions League)

FACE AU 1-4-3-3 DE LIVERPOOL

Depuis plusieurs saisons, Liverpool a montré sa volonté d’être une équipe protagoniste et déterminée à récupérer le ballon le plus haut possible.

https://statsbomb.com/2020/09/liverpool-season-preview-2020-21/

Lors de leur match face à City, les Reds étaient positionnés haut en phase de récupération, avec une organisation en 1-4-3-3 à plat. Rencontrer ce type d’opposition n’est pas si fréquent pour City, à la fois dans les intentions comme dans l’organisation.

La clé pour les Reds était de protéger les espaces intérieurs, tout en mettant la pression sur les joueurs de City, initiée par leurs 3 attaquants. Un principe mis en place par les Cityzens, pour manipuler la première ligne de pression fut d’aligner 3 joueurs droitiers en zone d’initiation et plus particulièrement Rodri,  souvent dans l’axe gauche dans une position inversée à d’habitude. Dans l’espace de M. Salah il a pu profiter d’un manque récurrent de coordination avec ses deux partenaires de la même ligne.

Statsbomb – Introduction to Football Analytics – Liverpool (saison 2019-2020)

Comme on peut l’observer sur le visuel ci-dessus, lors de la saison 2019-2020, l’influence de Firmino dans la récupération du ballon est essentielle notamment sur le front axial du terrain, mais aussi sur le flanc droit pour épauler Salah. Mané, lui, a une forte influence sur tout le flanc gauche où il déploie une activité importante permettant ainsi de récupérer directement et/ou indirectement un grand nombre de ballon de l’extérieur vers l’intérieur du terrain, notamment dans le camp adverse.

Petit bémol sur l’activité sans ballon de Salah, beaucoup plus localisée dans le couloir intermédiaire droit. Une certaine fragilité à protéger l’espace dans son dos à l’image du peu de ballons récupérés ou interceptés dans cette zone est illustrée dans l’encadré jaune.

Son déficit défensif, comparativement à ces deux partenaires qui sont extraordinaires sur ce plan, s’explique en partie par l’angle qu’il privilégie lors de sa course défensive. C’est un aspect dont Rodri profitera au travers de sa position inversée et qui lui bénéficiera directement ou bénéficiera à ses partenaires dans le dos de l’égyptien.

Face à la ligne de 3 (Mané – Firmino – Salah), la réduction volontaire de la largeur par les centraux de City, à contre-courant du célèbre « écartez-vous », leur a permis de mieux les inviter à venir presser. Mais attention, pas n’importe où… Stones et Dias, assez proches l’un de l’autre, plutôt sur le côté droit, invitant la pression de Firmino et en isolant Salah.

Ci-dessous, Ruben Dias invite la pression de son adversaire le plus proche. La position des défenseurs de City oblige encore une fois Mané et Firmino à fermer les lignes de passes intérieures tout en mettant la pression … Pendant que Salah s’isole sur le côté droit.

L’un des objectifs des Cityzens était de faire tomber Rodri en Zone d’initiation à la gauche de Dias, dans un rôle d’attracteur, afin de renforcer la tendance naturelle de Salah à défendre entre le central et le latéral, mais aussi pour favoriser l’équilibre structurel de l’équipe. Cette invitation à sortir presser, envoyée à Salah, a permis l’ouverture de lignes de passes à l’intérieur du bloc de Liverpool.

L’espace dans son dos est donc devenu exploitable, notamment sur l’axe gauche des Cityzens, en partie grà la réduction de la largeur des centraux à l’opposé sur l’axe droit, offrant un jeu de dominos …

FACE AU 1-4-2-3-1 DE TOTTENHAM

Les hommes de J. Mourinho étaient organisés en 1-4-2-3-1 avec la volonté de protéger les espaces intérieurs. À la différence du match face à Liverpool, P. Guardiola   a aligné Laporte dans l’axe gauche et R. Dias dans l’axe. Le français offre davantage d’angle de passe et notamment des diagonales de l’axe gauche vers l’intérieur.

Côté Tottenham, lors de leurs précédents matchs, Ndombele et Hojbjerg avaient tendance à défendre individuellement sur les joueurs positionnés dans les Zones latérales de Lumière, ouvrant des lignes de passes vers la Zone de Lumière centrale.

Comme sur l’image ci-dessus, c’est Zinchenko qui a souvent formé la ligne de 3 pour les Cityzens. Son positionnement a permis d’attirer Lamela pour obliger Hojbjerg à le couvrir. Le choix de Laporte a été judicieux car il a permis de trouver un grand nombre de passes entre les lignes des Spurs, vers G. Jesus.

L’activité défensive de Kane a quasiment été rendue inopérante sur le match à cause de la largeur XXL de « l’éventail » de la ligne de 3 Cityzens. Éventail qui leur a offert une grande liberté . On peut aussi noter le positionnement assez bas de Rodri, pour aimanter Lucas Moura afin d’offrir des lignes de passe « haute tension » vers Jesus.

Il semblerait que les principaux objectifs de Pep Guardiola dans la Zone d’Initiation étaient de :

  • Attirer Lamela par le positionnement de Zinchenko qui dérivait à la périphérie.
  • Fixer la position de Lucas afin d’offrir des lignes directes de passe de Laporte vers Jesus.

FACE AU 1-4-4-1-1 D’EVERTON

L’équipe de C. Ancelotti avait opté par un marquage individuel afin d’empêcher les mouvements des joueurs de City. Il n’en fallait pas plus pour mieux « embarquer » les « Toffees » dans les bas-fonds du jeu de position et retourner leurs concepts défensifs, contre eux-mêmes.

Sur l’image ci-dessus, on peut voir le positionnement très espacé de la ligne des 3 défenseurs de City avec notamment Laporte et Walker positionnés dans les couloirs extérieurs (périphérie).

Ce positionnement avait pour but d’attirer les milieux excentrés d’Everton et déclencher leur pressing, créant de l’espace dans leur dos. Le positionnement de Rodri était encore une fois intéressant, cette fois-ci à droite, en alignant horizontalement la première ligne adverse.

Les comportements et les caractéristiques de la première ligne d’Everton ont favorisé les intentions de Laporte et de Walker dans les couloirs extérieurs. Leur positionnement extra large a permis d’étirer la ligne d’Everton et de provoquer la pression des milieux latéraux adverses.

Le positionnement sur la droite de Rodri, a permis d’exploiter le pied gauche de Laporte sur des lignes de passes croisées à l’intérieur, à contresens du mouvement de la ligne adverse. De plus, le positionnement de Walker très à la périphérie, lui permettait d’exploiter sa faculté à se projeter dans le couloir et apporter le surnombre offensif.

FACE AU 1-4-2-3-1 D’ARSENAL

Confrontation intéressante pour les Cityzens face à un adversaire partageant des idées semblables en possession. Sur l’aspect défensif, les hommes de M. Arteta étaient organisés en 1-4-2-3-1 avec une très forte compacité du bloc dans la largeur et dans la profondeur.

Il est intéressant d’analyser la différence du 1-4-2-3-1 de Tottenham ou d’Everton, la structure des lignes d’opposition étaient totalement différentes, ce qui a modifié la structure de la première ligne de City en Zone d’Initiation.

Sur ce match, il est intéressant d’observer une structure asymétrique de la première ligne des Cityzens via les positionnements de Zinchenko et Stones. L’idée était de densifier le côté gauche (couloirs intérieur et extérieur gauche) via le positionnement de Zinchenko et de Fernandinho qui tombait régulièrement en Zone d’Initiation afin d’attirer Odegaard.

Cancelo avait pour rôle d’attirer Saka dans le couloir central. Ce qui peut être une indication de la volonté des Cityzens de densifier le côté gauche, afin d’attirer le bloc des Gunners, pour ensuite jouer avec Stones qui a énormément apporté offensivement dans le couloir extérieur droit.

FACE AU 1-4-2-3-1 DE M’GLADBACH

Les joueurs de Marco Rose avaient pour objectif de protéger les espaces intérieurs avec une organisation en 1-4-2-3-1. Le Jeu Positionnel des Cityzens étaient encore une fois précis avec des objectifs ciblés, notamment le positionnement large des défenseurs centraux afin d’attirer les milieux latéraux adverses et d’étirer le bloc allemand.

Ici, on peut voir le positionnement à la périphérie de Laporte et Walker afin d’accroitre les distances entre les joueurs de la ligne 1-4-2-(3-1). Ce positionnement servait aussi d’attraction des milieux excentrés adverses afin d’ouvrir les espaces et forcer les milieux centraux adverses à défendre individuellement sur Silva et Gundogan.

À noter encore une fois les rôles essentiels joués par Cancelo et  Rodri (positions inversées par rapport à Liverpool et rôles différents) pour manipuler le pivot offensif adverse et créer des espaces dans son dos. On peut retrouver une certaine similitude de la structure de la 1ère ligne de City avec celle obersvée face à Everton. Cependant, le focus était essentiellement sur l’ouverture des milieux latéraux adverses afin d’étirer la 1ère ligne d’opposition adverse.

CONCLUSION

On a pu voir comment Pep Guardiola a su créer l’incertitude face à la première ligne d’opposition de ses adversaires, en adoptant des moyens de manipulation précis en fonction des caractéristiques et de la structure de la première ligne adverse. Les principes du jeu positionnel étaient construits à l’aide de ces indicateurs pour les joueurs en Zone d’Initiation et dans les couloirs latéraux, afin d’être le plus déséquilibrant possible.

Par conséquent, la structure des lignes adverses a été déformée par le jeu positionnel de City. Un jeu variable et varié, organisé à l’aide de structures parfois asymétriques, selon les caractéristiques adverses. Le ballon reste la boussole des diverses structures et auto-organisations de la première ligne de Manchester City dans les matchs observés, mais la volonté d’être la plus déséquilibrante possible apparait comme un fil rouge.

Ce qu’il faut retenir de la première ligne des Cityzens :

  • La variabilité et une structure asymétrique en fonction de l’adversaire et du ballon.
  • Une récurrence d’une première ligne de 3 défenseurs avec des profils différents en fonction de l’adversaire.
  • L’identification des faiblesses des profils adverses (micro) et des structures adverses (macro) et exploitation adaptée des profils alignés.
  • La multifonctionnalité des joueurs en fonction des caractéristiques de l’adversaire.
  • Mise en place fluide des concepts du Jeu de Position avec notamment les notions d’attraction des adversaires dans certains espaces.

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