« Pressing », « contre-pressing » et « sur-pressing » retour sur les concepts.
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Proposition théorique de Eric Duprat, entraineur de football (DES), professeur d’EPS agrégé et © Jean-Francis Gréhaigne, professeur des Universités honoraire en STAPS de l’Université Bourgogne Franche-Comté.
Monsieur de la Palisse n’aurait pas contredit cette affirmation : « qui dit contre-pressing suppose un pressing antérieur ». Pour bien clarifier les différentes notions utilisées, nous allons donc proposer une analyse du pressing et du contre-pressing dans leurs aspects offensifs, défensifs en relation avec l’emplacement sur l’aire de jeu et le rapport de force localisé.
La notion de « pressing », qui concerne la matrice défensive, implique la nécessaire interrogation que représente la notion de « contre pressing ». S’agit-il d’analyser ce terme dans la vision offensive de l’équipe entrée en possession du ballon ou s’agit-il d’une situation où l’on cherche à récupérer la balle après l’avoir perdu dans la continuité du jeu ?
Résumons ; l’équipe A située en attaque dans la zone offensive perd le ballon, exerce un pressing pour le récupérer et y parvient. L’équipe B ne peut être considérée comme faisant à son tour le pressing puisqu’elle est dans sa propre moitié de terrain et que le pressing s’exerce, à l’origine haut, chez l’adversaire… Bref, il semble nécessaire de revoir le concept ou de changer son appellation.
Initialement, le pressing est une tactique défensive « agressive ». Il a pour but de reconquérir le ballon chez l’adversaire, de l’empêcher de progresser en exerçant une pression collective sur l’adversaire en possession du ballon, en coupant les trajectoires de passes, bref en harcelant le porteur pour lui prendre le ballon ou le pousser à la faute. Se pose alors la question de comment « contrer » ce pressing car il ne faut pas confondre « contrer le pressing » quand on le subit lors de la relance et imposer un « contre-pressing » à l’équipe qui vient de reprendre possession du ballon comme on l’entend aujourd’hui.
L’ambiguïté qui résulte de cette utilisation qui nous semble inadaptée des termes nécessite de revenir sur les bases tactiques du jeu sans oublier la notion essentielle de réversibilité. Cette réversibilité liée à la confrontation des deux équipes implique qu’elles entrent en possession du ballon alternativement.
Le « pressing » est utilisé par l’équipe qui n’a pas le ballon et presse l’adversaire en possession de celui-ci afin de l’empêcher de marquer, voire récupérer la balle le plus vite et le plus haut possible évitant ainsi de se mettre en danger mais aussi d’être le plus proche du but adverse
À l’origine, le « pressing » est basé sur la volonté de récupérer le ballon haut sur le terrain, sachant que l’équipe qui est en possession du ballon au départ démarre sa phase offensive et se situe dans sa propre moitié de terrain. Cette zone est considérée comme la zone de vérité défensive quand l’équipe n’a pas la balle et comme la zone de construction initiale quand elle a le ballon. Le ballon va circuler ou circule dans les trente derniers mètres adverses et progresse vers la ligne médiane. Il s’agit de presser agressivement le joueur en possession du ballon et les adversaires proches avec plusieurs joueurs. Tous les joueurs doivent s’impliquer afin de réduire au maximum les possibilités de jeu des adversaires et permettre de reprendre le mouvement offensif sans perte de terrain en les étouffant à la source du mouvement.
Si c’est dans la continuité du jeu, il implique une grande réactivité du joueur qui vient de perdre le ballon et une vive réaction de ses partenaires à proximité pour : créer une supériorité numérique sur le joueur qui a la balle (prise à deux) ; empêcher toute passe vers l’avant des adversaires que ce soit sur du jeu long, intermédiaire ou court ; limiter la possibilité de la passe en retrait vers le gardien de but ; laisser libre le joueur adverse le plus bas à l’opposé du jeu ou les deux adversaires les plus excentrés si l’on se trouve dans une position axiale. La remontée éventuelle des joueurs les plus bas (Rideau 3) permet de s’appuyer sur la loi du hors-jeu et de couvrir le jeu très profond par l’intermédiaire d’une position avancée du gardien de but. Cette notion est essentielle car tous les types de pressing s’accompagnent de la montée défensive et de l’utilisation du hors-jeu pour contraindre les attaquants adverses à revenir dans leur camp ou d’être mis à la faute.
À ce stade de notre démarche, les bases sont posées en vue d’une conceptualisation claire et précise. Cependant, une certaine confusion nait avec l’apparition du terme de « gegenpress » ou « gegenpressing » attribuée à Jurgen Klopp. Cette innovation serait à l’origine des performances des diverses équipes qu’il a entrainées. Il nous semble nécessaire de préciser certaines données afin d’éviter toute confusion.
Plusieurs formes de pressing peuvent être mises en place dans une zone plus ou moins proche de la ligne médiane. Elles interviennent suite à une remise en jeu des adversaires, coup de pied de but (CPB) ou touche (To), dans leur propre terrain, nous ne sommes plus dans la continuité du jeu. L’idée est alors de prendre en charge au marquage les adversaires. Cette situation était rendue possible parce que le tireur du CPB était souvent un défenseur, ou grâce à la loi du jeu qui contraignait les autres joueurs à sortir de la surface de réparation. Au niveau des touches, la position excentrée de la remise en jeu constituait déjà un « enfermement » sur le côté du terrain qu’il suffisait de densifier. Pour une remise en jeu en CPB avec le nouveau règlement, il s’agit alors d’orienter le jeu à la périphérie pour presser le joueur qui la balle et créer une densité dans sa zone d’évolution. Pour les touches, les lois du jeu n’ont pas évolué au point de modifier les moyens à mettre en œuvre.
En cas de reprise du jeu non perturbé, certaines équipes enclenchaient le mouvement de pressing sur un joueur particulier de l’effectif adverse, soit par rapport à son niveau plus faible, soit parce qu’il représentait le joueur par qui tous les ballons passent. Il s’agit alors de construire une nasse, autour de lui pour le priver de toute possibilité de jeu. Ces opportunités stratégiques nécessitent une disponibilité des joueurs et une capacité d’adaptation accompagnée d’une coordination de l’ensemble des mouvements.
Cette organisation (mini zone temporaire) s’apparente à la « zone-press » utilisée en basket-ball, en handball et peut aussi être mise en œuvre à l’entrée du ballon dans la zone de pré-vérité offensive, au passage de la ligne médiane en vue d’une défense un peu moins haute qui s’appuie aussi sur le hors-jeu. L’arrêt du recul défensif est déclenché par un joueur clé en fonction des courses pénétrantes des attaquants adverses ; ou bien, en cas d’avancée dans la ZPVD, à la suite d’un signal précis.
L’idée de produire un mouvement défensif en avançant avec la volonté de rester chez l’adversaire n’est pas une nouveauté. Dans les années 1970, l’Ajax d’Amsterdam et l’équipe nationale des Pays-Bas l’ont utilisée ponctuellement avec leur « football total ». Il s’agissait alors d’attendre que l’adversaire fasse une passe en retrait alors que le jeu se situait dans la zone défensive pour enclencher le mouvement de remontée rapide, accompagné d’une prise en charge agressive du joueur possédant le ballon et d’une densité autour de la balle pour éviter toute passe courte.
L’adversaire face au jeu était alors contraint pour ne pas perdre le ballon de jouer profond sur des partenaires souvent en position de hors-jeu. L’équipe de l’AC Milan, conduite par Arrigo Sacchi à la fin des années 80 agissait de la sorte en relançant long sur leurs deux attaquants (Van Basten et Gullit) pour monter rapidement et presser leurs adversaires dans leur moitié de terrain. Le maître de la manœuvre, Baresi, accompagnait ou non ses partenaires dans la remontée afin d’éviter la pénétration de joueurs venus de l’arrière, non sanctionnés puisque partis de leur propre moitié de terrain.
Dans les années 90, la défense en couverture alternée, assise sur la loi du hors-jeu, a provoqué une remontée des organisations défensives qui s’est traduite par des récupérations plus avancées (Duprat, 2005). Guardiola, élève de Cruijff, a permis au FC. Barcelone de « régner » sur l’Europe pendant une petite décennie. Lors de la Coupe du Monde 1998 le Brésil exerçait un pressing en deux contre un sur le joueur en possession du ballon au moment de la réversibilité, jusqu’en huitième de finale, en fonction de l’élévation du niveau de jeu et de la dépense énergétique plus importante.
Récemment, l’équipe de l’Atalanta a créé la surprise dans le championnat italien et beaucoup d’autres équipes choisissent aujourd‘hui d’agir comme cela. Les équipes estampillées RedBull, les équipes de Roger Schmidt (RB Salzburg, Bayer Leverkusen) ont adopté cette tactique.
Défendre toujours chez l’adversaire pour éviter de subir un jeu de possession qui prive du ballon, comme le font le Barça ou Manchester City, est sans doute une option pour échapper à la domination des équipes privilégiant la conservation. Certains estiment aussi que c’est un moyen d’économiser de l’énergie, ce qui n’est pas démontré lorsque les adversaires parviennent à échapper au dispositif et vous contraignent à revenir systématiquement avec un retard pour protéger votre but.
Les exemples sont légion d’équipes plus faibles qui remportent les rencontres. Ce qu’on appelle la glorieuse incertitude du sport n’est peut-être pas le fait du hasard…
Le « contre-pressing » utilisé actuellement est une forme de pressing qui consiste à presser l’adversaire juste après avoir perdu le ballon dans la continuité du jeu. Pour faire simple, il s’agit de la volonté de récupérer le ballon dans les secondes qui suivent sa perte, avec donc des efforts rapides et intenses. L’objectif est aussi d’annihiler les velléités de contre-attaque adverse mais aussi de profiter d’un déséquilibre à proximité des buts de l’adversaire dès la récupération.
Éléments techniques et tactiques importants (FIFA)
Nous avons puisé quelques informations auprès des instances techniques de la Fédération internationale de Football Association. On y trouve quelques éléments favorisant l’approche tactique du concept. Après une perte de balle, les joueurs doivent être prêts à regagner le ballon immédiatement. Le joueur coupable de la perte de balle doit être le premier au pressing.
– Le pressing doit se mettre en place sans laisser à l’adversaire le temps de faire plus de 3 ou 4 passes qui pourraient l’amener dans des zones dangereuses.
– Grâce à un pressing rapide et coordonné, l’équipe qui défend conserve son organisation offensive avec des joueurs en position d’attaque et proches du but adverse.
– L’équipe qui exerce le pressing doit harceler son adversaire et ne pas lui laisser le temps ou l’espace pour relancer depuis l’arrière.
– Le joueur qui perd le ballon doit être le premier au pressing pour tenter de récupérer la balle. Ses coéquipiers doivent suivre son exemple de manière coordonnée afin de bloquer les lignes de passe.
Dans un bloc défensif compact derrière le « contre-pressing », les joueurs sont proches les uns des autres et ont moins de distance à parcourir pour récupérer le ballon.
Selon le groupe d’étude technique de la FIFA, trois tendances se dégagent après l’analyse des 16 matches impliquant les 32 sélections : l’utilisation des longs ballons pour éviter le pressing haut, le « contre-pressing » avec de multiples joueurs et l’augmentation du nombre de buts venus de centres.
À l’issue de la première journée de la phase de groupes, soit 16 matches impliquant les 32 sélections engagées, Alberto Zaccheroni, Sunday Oliseh et Faryd Mondragón ont participé, accompagnés de Chris Loxston, responsable du groupe analyse des performances et tendances de la FIFA, à un point presse au cours duquel ils ont livré leurs premières observations. La différence entre les deux concepts n’est pas vraiment exposée.
Longs ballons et contre-pressing
Sur le premier thème, Mondragón insiste notamment sur l’importance du gardien de but dans une telle situation, face à des équipes tentant de récupérer le ballon le plus haut possible. « Ce n’est pas nécessaire tout le temps, mais c’est le parfait exemple où le gardien de but doit savoir éloigner le ballon, pour éviter tous les risques », précise l’ancien portier de la Colombie, qui a participé à trois Coupes du monde.
« Et si vous avez de bons relayeurs, vous pouvez lancer immédiatement une contre-attaque, ou une action offensive ». « Avec cette tendance, nous avons vu que le gardien est souvent impliqué dans le commencement des actions, même s’il ne faut pas oublier sa fonction principale, qui est d’éviter les buts », détaille-t-il. Sommes-nous là dans l’idée de contrer le pressing ?
Zaccheroni est bien placé pour juger cette évolution tactique, puisqu’il demandait généralement à ses joueurs d’appliquer un pressing intense sur leurs adversaires pour les empêcher de renverser le jeu avec de longs ballons ou de passer par-dessus les défenseurs pour les prendre à revers. « Le gros avantage de récupérer le ballon haut sur le terrain est que vous avez ensuite un chemin plus court vers le but », décrit l’entraîneur italien, en donnant l’exemple du but de la Suisse face au Cameroun.
« En contre-pressant immédiatement l’adversaire, vous n’avez pas à courir vers votre propre but. Vous n’avez qu’à battre une ligne de joueurs adverses », ajoute l’ancien sélectionneur du Japon, qui explique cette tendance par une double nécessité pour les entraîneurs : « Quand vous êtes en phase défensive, vous devez déjà prévoir la phase offensive suite à la récupération. Et lorsque vous êtes en phase d’attaque, vous devez prévoir la prochaine phase défensive en cas de perte de balle ». Si la notion de réversibilité est présentée, la distinction ne semble pas très claire quant au sujet abordé.
Voici quelques exemples de scénarios selon the FA, 2021 :
– Un joueur d’âge primaire montre simplement le désir et l’enthousiasme de courir après un adversaire qui est sur le ballon.
– Un joueur réagit à un « déclencheur » qui suggère qu’il y a une chance de gagner la possession – comme une mauvaise première touche ou une mauvaise passe.
– Un joueur perd le ballon mais applique immédiatement une pression sur son adversaire (une approche appelée « contre-pression »).
– Une équipe coordonne ses mouvements pour appliquer la pression, rendre le jeu prévisible et éventuellement récupérer le ballon.
– Établir une connexion et une compréhension
Alors qu’un joueur peut aller presser un adversaire, c’est beaucoup plus efficace lorsque les coéquipiers lisent les mêmes signaux et réagissent tous ensemble. Il est donc essentiel pour votre équipe de comprendre les rôles de chacun et de travailler ensemble – « one in, all in ». Surtout si vous affrontez des joueurs très habiles sur le plan technique. Dans ce contexte, la façon dont les coéquipiers soutiennent l’action initiale est importante. S’ils combinent bien, cela peut signifier que le ballon est gagné ou intercepté après quelques montées individuelles.
Pour soutenir une presse, les joueurs doivent comprendre comment couvrir et équilibrer le dispositif. Il est également vital pour eux de savoir comment leur rôle peut évoluer face aux trois tâches : presser, couvrir et équilibrer. Avoir de bonnes compétences en communication peut aider à résoudre ce défi. Pour aider votre équipe à travailler sur ce thème, démarrez la séquence avec des jeux à effectifs réduits, comme un 3 c 3, 4 c 4. Cela fournit un environnement plus facile à appréhender pour les joueurs et peut aider à encourager un sentiment de connexion.
Avec moins de joueurs sur le terrain, il y aura également plus d’espace à exploiter pour l’équipe qui a le ballon. Cela rend encore plus important pour l’autre équipe de bien travailler ensemble et de créer une presse organisée.
Dans sa thèse, Gréhaigne (1989) défend l’idée que cette centration sur les mécanismes qui ont produit l’action permet d’engendrer, d’une part, de nouvelles actions dans la mesure où l’on a compris ce que l’on a fait, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités. D’autre part, en tant que modèle explicatif,cette prise de conscience peut être le point de départ d’une série d’autres conceptualisations et d’échanges avec comme corollaire un champ de généralisation beaucoup plus large. Dans ce cas, on enrichit le cadre de référence des perceptions et de l’analyse du jeu. Il est donc nécessaire de clarifier les éléments pris en compte.
Des questions à partir du vocabulaire
La communication n’est pas toujours aisée surtout lorsque l’on réemploie des termes créés par des personnes qui ne parlent pas la même langue. Par exemple, le terme de verticalité pour parler du jeu vers l’avant, vers le but adverse, largement utilisé aujourd’hui est inadapté à notre langue puisque la verticalité correspond à un jeu en hauteur. Or la hauteur est clairement définie en football et correspond au jeu aérien. Notre histoire utilise le terme de profondeur ce qui est plus logique sachant que la profondeur n’est pas une dimension utilisable en football comme elle l’est en natation.
« Mal nommer les choses c’est ajouter encore au désordre du monde » (Camus, 1951). Cette phrase, attribuée à Camus montre que le choix des mots n’est pas innocent car ils peuvent exagérer ou atténuer, mais surtout travestir la réalité. En outre, un mot, une idée, n’ont pas qu’un seul sens et penser l’unité des divers sens voire des contraires est un moyen supplémentaire d’enrichir l’analyse.
Ainsi, le langage humain offre la possibilité de dialoguer en situation pour échanger, s’exprimer avec un langage et une pensée visant la communication. Celle-ci est conçue comme un échange d’informations entre les membres d’un groupe déterminé. En effet, il y a communication si et seulement si le destinataire de l’information est capable de comprendre le message qu’il reçoit d’une source d’information. Le dialogue traduit de manière plus spécifique une relation qui s’établit entre des personnes à partir des significations communes qu’elles attribuent à des mots ainsi qu’à des gestes ou des attitudes corporelles.
La complexité du jeu des langues, des traductions, des cultures constitue un problème majeur lorsque l’on communique à l’international. Nous choisirons donc de définir la notion de « pressing », reprise aux Anglais, comme une action distincte, dans le cadre de la pratique des sports collectifs, qui consiste à agir rapidement et collectivement sur l’adversaire pour reprendre possession d’une balle, d’un ballon ou d’une rondelle qui vient d’être perdu.
Nous rappellerons aussi qu’il existe une différence avec le harcèlement qui se traduit par un engagement physique pour agir directement sur le porteur de balle afin de l’empêcher de poursuivre son action. L’initiative vise alors à ralentir la progression adverse soit parce que l’accès à notre but est proche, soit parce que l’action s’accompagne d’un arrêt collectif du recul qui permet de pousser les adversaires à la faute : hors-jeu.
L’action est réalisée lors d’une confrontation directe en un contre un qui peut évoluer vers une prise à deux grâce à la couverture. Elle mobilise un ou plusieurs joueurs dans l’environnement proche du joueur adverse qui possède le ballon, au niveau de la cellule de l’action de pointe.
Dans le cas du pressing, la différence est que toute l’équipe est impliquée dans le mouvement et que la coordination collective est globale pour la prise en charge de l’adversaire qui possède le ballon, mais aussi de tous ses partenaires les plus rapprochés.
Pour le « contre pressing », il semble difficile d’attribuer cette notion à tel ou tel spécialiste. Si l’on se réfère aux deux principales sources de l’activité football que sont l’Angleterre et l’Italie, les caractéristiques de leur style de jeu sont bien différentes. Le « fighting spirit » des britanniques basé sur un engagement physique total et permanent ne permet pas de bien distinguer un moment réservé au « contre-pressing ».
Du côté transalpin une sérénité à toute épreuve basée sur une organisation défensive plutôt basse, très structurée souvent renforcée (catenaccio), toujours avec une supériorité numérique défensive (libero ou couverture). Une attente semi-passive des adversaires pour les prendre dans la nasse et partir rapidement en contre-attaque (Juventus des années Platini) et parfois une défense qui remonte et s’appuie sur le hors-jeu (Milan AC des années 80).
Il nous faut donc revenir sur certains détails qui devraient nous permettre de clarifier les choses.
Nous avons pris l’option de nous appuyer sur un médium moderne, ouvert à la compréhension d’un vocabulaire commun et spécialiste de l’activité.
Revue de littérature
« Ces dernières années, le contre-pressing est devenu un mot familier dans le langage du football allemand. Au niveau international, le contre-pressing est automatiquement associé au football allemand et à la Bundesliga. Malheureusement, il est trop souvent mal expliqué, tant sur le plan linguistique que technique »
« D’où vient le nom ?
Tout d’abord, je ne sais pas exactement. Peter Hyballa dit que « contre-presser » est simplement un nouveau mot pour dire « suivre » ; il a bien sûr raison sur ce point. Le mot contre-pressing permet simplement de mieux structurer le moment de la transition et est un peu mieux défini à cet égard. Dans le football amateur, le suivi n’est pas seulement associé au contre-pressing, mais souvent aussi à des actions de pression vers son but, dans le cadre du pressing classique.
« Le terme de contre-pressing semble toutefois venir de la DFB elle-même. A l’été 2008, c’est Ralf Peter, alors responsable de la formation, qui a explicitement parlé de contre-pressing. Il s’agit de la deuxième plus ancienne mention du « contre-pressing » que j’ai pu trouver lors de mes recherches. »
Jürgen Klinsmann précise même « Nous voulons construire un style de jeu pour récupérer le ballon là où nous l’avons perdu. Nous ne voulons plus reculer et nous réorganiser. »
« Le contre-pressing consiste tout simplement à presser la contre-attaque adverse. Le terme « contre-pressing » vient également de là, car il s’agit de presser la contre-attaque après la perte du ballon. C’est la différence avec le pressing classique qui a lieu face à une attaque organisée de l’adversaire. »
« Cependant, au niveau international, de nombreux entraîneurs ont des problèmes non seulement avec la terminologie, mais aussi avec l’application de ce concept. Certes, le contre-pressing s’impose de plus en plus, mais son fonctionnement exact ne semble pas encore très clair »
https://www.sofoot.com/definitions/gegenpressing
Gegenpress = nom d’origine allemande, signifiant « contre-pressing », qui désigne la stratégie par laquelle une équipe tente de récupérer le ballon juste après l’avoir perdu, dans un laps maximum de six secondes après la perte selon la théorie originelle, afin de bénéficier rapidement d’une nouvelle occasion d’apporter le danger.
Gegenpressing : Comment fonctionne le style tactique rendu célèbre par Klopp ? Ryan Kelly
« Le Gegenpressing, qui signifie « contre-pressing » en allemand, est une philosophie tactique qui a été popularisée par les équipes du Borussia Dortmund et de Liverpool de Jurgen Klopp. Elle a également été utilisée de manière célèbre par les équipes de Ralf Rangnick. »
« L’essence de cette philosophie n’est pas seulement que les équipes pressent leurs adversaires, mais qu’elles le fassent avec une concentration et un zèle particulier lorsque le ballon est dans la moitié de terrain de l’adversaire ; en fait, il s’agit de contrer la contre-attaque. »
« Klopp a expliqué : « Le Gegenpressing vous permet de récupérer le ballon plus près du but. Il suffit d’une seule passe pour avoir une très bonne occasion. Aucun meneur de jeu au monde ne peut être aussi bon qu’une bonne situation de gegenpressing, et c’est pourquoi c’est si important. » »
« L’essence de cette philosophie n’est pas seulement que les équipes pressent leurs adversaires, mais qu’elles le fassent avec une concentration et un zèle particulier lorsque le ballon est dans la moitié de terrain de l’adversaire ; en fait, il s’agit de contrer la contre-attaque. »
Mais la contre-attaque est-elle le seul moyen à mettre en œuvre pour échapper au « contre-pressing » ? Dans le cadre de la réversibilité comment réduire les possibilités d’agir pour contrer le pressing à la seule contre-attaque ? Il nous semble nécessaire à ce stade de revenir sur le sens des mots car ils occupent une place prépondérante dans la communication à utiliser lors de la formation des joueuses et joueurs, mais aussi par le monde médiatique qui « vulgarise » le vocabulaire courant.
Face à ce manque de clarification et à la diversité des modes d’exploitation de cette notion, il nous est apparu nécessaire de resituer les choses afin d’utiliser une terminologie plus adaptée à notre langue.
Retour sur les concepts
Pour le « pressing », plusieurs acceptions peuvent se présenter dans des configurations variées :
– le ballon est sorti derrière la ligne de but en faveur de la défense ce qui implique une remise en jeu par un coup de pied de but. Les adversaires doivent alors sortir de la surface de réparation jusqu’à la remise en jeu qui leur permet de lancer une forme de pressing ;
– le ballon est sorti en touche et l’équipe doit attendre la remise en jeu, mais peut organiser le pressing à partir d’un marquage des réceptionneurs éventuels.
Dans ces deux cas, il s’agit de phases statiques avec un délai qui permet d’anticiper le mouvement à venir.
Lorsque nous sommes confrontés à une récupération dans la continuité du jeu, on peut trouver d’autres configurations :
– la première se traduit par un ballon récupéré par le gardien de but suite à un arrêt ou une intervention sur la trajectoire de balle. Il bénéficie alors de six secondes pour relancer, sans être gêné ce qui lui octroie un pouvoir d’action élargi. Il faut alors attendre sa relance pour pouvoir enclencher un pressing en cas de relance courte. Mais la priorité est de surveiller l’éventuel jeu long et adopter initialement un mouvement de repli qui peut s’accompagner d’un projet de mise hors-jeu des attaquants de pointe pour bloquer la contre-attaque ;
– la seconde correspond à une perte de balle dans la ZVD où la densité existante permet de réagir immédiatement et d’exercer un pressing qui favorise la reconquête. L’adversaire concentré sur sa tâche défensive qui gagne un duel ou intercepte dispose de peu de temps pour prendre l’information lui facilitant la relance. La réactivité des joueurs proches permet de reprendre le ballon.
– la troisième se présente lorsque la perte de balle se situe au cœur de l’Espace de Jeu effectif (EJE), cela offre des possibilités de se déplacer dans toutes les directions pour le joueur qui possède le ballon. Perte accompagnée d’un temps d’avance ou non pour le porteur, la réaction doit être immédiate au front du ballon pour couper la progression et encercler l’adversaire, lui interdisant toute passe, quelle que soit l’orientation choisie.
À quel moment peut-on parler de « contre pressing » ?
Logiquement, dans un premier temps, contrer le pressing est du ressort de l’équipe positionnée en défense qui vient de récupérer le ballon et veut échapper au pressing. Son objectif est de répondre à la volonté adverse de reconquérir immédiatement la balle. Le jeu long, le dégagement se traduisant par une forte probabilité de perte du ballon, il ne reste que le jeu intermédiaire et le jeu court.
Il n’en représente pas moins un acte sécurisant pour éloigner le danger. Il doit alors être orienté vers les zones neutres du terrain constituées par les angles opposés (logique d’action). En cas de récupération sur un duel ou une interception, le joueur qui s’approprie la balle bénéficie d’un très court laps de temps pour trouver un appui et/ou échapper au regroupement en pénétrant entre les lignes adverses.
Chaque rideau défensif franchi est une étape supplémentaire dans l’idée d’échapper à l’étau qui se resserre. Le joueur qui maitrise le ballon peut aussi pénétrer en conduite de balle pour échapper à son adversaire direct et empêcher la prise à deux immédiate. Il peut éliminer son premier opposant pour progresser et fuir vers un espace libre ce qui lui permet de bénéficier d’un léger temps d’avance.
En cas d’obstacle sur son chemin le décalage latéral pour trouver un appui grâce à une passe intermédiaire permet de sortir de la zone de pression pour poursuivre au second temps de jeu par un jeu court orienté dans les intervalles plaçant un partenaire dans l’avancée. Le passage par les couloirs d’ailes favorise la réussite car il permet d’éviter la couverture axiale renforcée.
Dans toutes les situations de progression par la prise d’un appui profond, la nécessité d’accompagner le mouvement est primordiale pour favoriser le jeu en une touche de balle qui permet un enchaînement rapide de la progression. Le « contre-pressing » serait donc une action consistant à contrer le pressing et apparentée à la matrice offensive et non défensive.
L’autre moyen pour contrer le pressing est de passer par une phase de conservation du ballon (jeu de possession ou de position) dans sa propre moitié de terrain en exploitant au mieux la supériorité numérique liée à la présence du gardien de but et la surface de jeu disponible. L’éclatement du groupe joueurs permet de renforcer la possession par un enchainement de passes et remises ou de prises d’appui / pénétrations suite à des « une-deux » ou « une-deux-trois » en une touche de balle. Cela nous renvoie à des communications antérieures consacrées à ce « jeu de possession ».
Si après le « pressing » vient le « contre pressing », comment nommer l’action suivante qui consiste à empêcher l’adversaire de sortir de la nasse qu’on a voulu construire et de reprendre le ballon sans perdre de terrain ? En fait, il s’agit d’un autre type d’organisation, mais elle ne part pas du pressing initial. Le terme de « contre-pressing » nous semble donc inadapté tel qu’il est utilisé aujourd’hui en se basant sur une traduction linguistique réductrice.
La tactique qui concerne la mise en place d’un pressing suite à une perte de balle chez d’adversaire pourrait alors s’appeler le « sur-pressing » et se caractérise par un élément majeur : la perte du ballon lors du mouvement offensif dans la moitié adverse est suivie par un mouvement collectif immédiat dans la continuité du jeu.
Sachant que le seul cas où l’action ne sera pas possible correspond à un arrêt ou une interception du GB, parce que l’on ne peut pas agir sur lui et qu’il dispose de six secondes pour relancer. En cas de « sur-pressing » dans cette configuration, il aura la possibilité de relancer par du jeu long et d’éliminer au moins deux rideaux défensifs (R1 et R2).
Il faudra donc attendre le délai nécessaire à la relance du GB en reculant dans un premier temps pour repartir au « sur-pressing » en cas de jeu court. Dans le cas le plus courant qui correspond à une perte du ballon lors d’un duel, suite à une interception adverse ou à une récupération adverse résultant d’une erreur technique le « sur-pressing » peut être efficace s’il est bien organisé.
Dans cette configuration de jeu particulière énoncée et spécifique, l’engagement total de tout le collectif, la réaction immédiate du joueur qui a perdu le ballon et de ses partenaires à proximité, au moment de la réversibilité, est souvent couronnée de succès. Cela permet de reprendre possession du ballon et de ne pas être pris en défaut par une contre-attaque adverse lors du « contre- pressing ». Mais cela implique aussi une dépense énergétique résultant à la fois des efforts physiques mais aussi des efforts mentaux parfois négligés dans une approche stratégique réductrice.
Le cumul des deux peut engendrer à court terme une baisse de régime en fin de rencontre, sur le moyen terme en cas de répétitions rapprochées et/ou sur le long terme si généralisé sur une ou plusieurs saisons.
Il reste alors à planifier des périodes ou les configurations du jeu favorables à l’application d’un « sur-pressing » en lien avec les potentiels adverses ou l’évolution du score. Cette étape nous semble essentielle afin de ne pas trop solliciter les dépenses énergétiques et mentales des joueurs.
Conclusion
Le « pressing » est une tactique défensive s’appuyant sur la volonté de récupérer le ballon chez l’adversaire. Il correspond bien au football britannique et à son jeu engagé au front du ballon comme il existait au temps de la soule ou encore chez son frère le rugby, avec une législation sur la loi du hors-jeu qui oblige à se confronter directement à l’adversaire pour éviter de perdre du terrain.
La pleine retraite correspond plus à une attitude d’attente développée au cœur du football transalpin, basée sur une certaine passivité, sérénité et une organisation sans faille où la densité construite à l’approche du but défendu réduit les champs d’action possibles de l’adversaire en possession du ballon.
Entre les deux, la semi-retraite s’est construite à partir de l’évolution de la loi du hors-jeu passée de trois joueurs à deux ce qui a permis de prendre les attaquants adverses au piège et de récupérer un ballon en conservant l’adversaire loin de la cible visée.
La notion de « contre-pressing » est apparue plus récemment comme un concept participant à la complexification de la matrice défensive. Mais ce terme ne correspond pas réellement à une tâche défensive puisque contrer le pressing est de l’ordre des tâches offensives.
Il nous a semblé essentiel de repréciser ce à quoi correspondent certains termes actuels pour faciliter leur approche, compréhension et mise en place, la culture tactique se complexifiant.
Cela nous a conduits à revoir des concepts largement utilisés par les divers médias mais à contresens provoquant ainsi un risque de confusion. Nous avons été amenés à proposer une terminologie complémentaire adaptée à notre langue avec pour objectif principal la formation des joueurs en relation avec la possibilité de dialoguer et de se comprendre.
Le « sur-pressing » s’inscrit donc dans la complexification de la matrice défensive en insistant sur un aspect majeur : la continuité de l’action ce qui le distingue du « pressing », mis en place suite à une remise en jeu résultant d’une « récupération réglementaire » ou d’une « récupération du gardien de but » (Duprat, 2005), mais surtout du « contre-pressing » qui est de l’ordre de la matrice offensive.