MARADONA il passe dans les mains de Dieu…

Nous vous présentons un article de l’EQUIPE du 6 juin 1979, Diego a 18 ANS ……..

Diego Maradona, le prince héritier : la première fois que FF a parlé d’El Pibe de Oro en 1979

Le 6 juin 1979, les lecteurs de France Football faisaient pour la première fois connaissance avec Diego Maradona. L’occasion d’un entretien où le futur El Pibe de Oro, alors à Argentinos Juniors, n’a que 18 ans mais livre un discours ambitieux. Avec cette envie : ne pas décevoir.

Grâce à la tournée de la sélection argentine en Europe, la renommée de Diego Maradona, déjà énorme en Amérique du Sud, est désormais universelle. Jamais, depuis le roi Pelé, un joueur de 18 ans n’avait suscité un tel intérêt. Le petit prodige des faubourgs de Buenos Aires a d’ailleurs rencontré le Brésilien, qui lui a donné quelques conseils et l’a en quelque sorte intronisé comme son successeur. Juan Carlos La Terza, notre correspondant en Argentine, a rencontré récemment Diego Maradona pour un dialogue à bâtons rompus.
Il ne fait pas le moindre doute que Diego Armando Maradona est le meilleur joueur actuel du pays champion du monde, l’Argentine. Au cours des quarante dernières années, on a vu passer dans ce pays des figures marquantes du football comme José Manuel Moreno, Adolfo Pedernera, Alfredo Di Stefano, Enrique Omar Sivori ou Omar Corbatta, mais ceux qui ont des cheveux gris et ont vu évoluer ces étoiles argentines affirment que Maradona est le plus complet de tous. Seul pourrait le dépasser le «génial» Moreno. C’est que ce footballeur d’à peine 18 ans, né dans le quartier «La Paternal», a démontré en un rien de temps que lorsque l’on est vraiment un «crack», on peut jouer à n’importe quel âge en Première Division et se transformer en idole. Maradona est aujourd’hui, avec Fillol, le joueur le plus populaire et le plus convoité. Son club a reçu une grande quantité de demandes de matches amicaux pour voir évoluer Diego Maradona.

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Diego, à nos actes manqués
Diego Maradona en 1995 : «Ma liberté, je l’ai gagnée»France Football le 6 juin 1979.France Football le 6 juin 1979.

«J’ai un frère qui joue mieux que moi»

«Diego, combien d’enfants étes-vous dans ta famille ?Nous sommes huit et de famille modeste, car mon père est un ouvrier qui gagne un petit salaire et, pour cela, je voudrais pouvoir donner à toute ma famille un peu de bonheur. Nous sommes trois garçons et cinq filles dont deux qui sont mariées et la famille augmente de plus en plus.

Tes frères sont plus âgés que toi ou non ?Il y a un peu de tout, mais j’ai un frère qui joue mieux que moi et il a une habileté avec le ballon qui est exceptionnelle. Je pense qu’il peut devenir un crack. Il joue maintenant dans les jeunes d’Argentine juniors. 

Tu as perdu tout espoir pour ton transfert à Barcelone (NDLR : Alors à Argentinos Juniors, il signe à Boca Juniors deux ans plus tard avant de rallier pour de bon le FC Barcelone en 1982) ?Non. Je sais que l’offre existe. Le dirigeant de Barcelone me l’a dit personnellement et j’attends. Je veux gagner de l’argent en jouant au football, même si je joue parce que le football est ma passion. 

Mais tu es au courant que Barcelone a engagé Simonsen ?Non, je n’en sais rien. Si je ne peux pas aller là-bas, j’espère continuer dans mon pays. Ils m’ont fait une offre : s’ils en ont finalement engagé un autre, c’est leur affaire.«Il s’agit de 1 400 000 dollars pour trois ans. J’insiste sur le fait que je désire jouer dans mon pays si c’est possible, mais je veux que l’on me rétribue en fonction de ce que j’apporte sur le terrain.»

Tu veux jouer en Argentine ou t’en aller ?Je veux jouer dans mon pays, mais l’argent offert par les Catalans ne peut pas m’être payé ici. Il s’agit de 1 400 000 dollars pour trois ans. J’insiste sur le fait que je désire jouer dans mon pays si c’est possible, mais je veux que l’on me rétribue en fonction de ce que j’apporte sur le terrain. Je ne me prends pas pour une vedette, je veux simplement recevoir ce qui m’est dû et rien de plus. 

Ton objectif est le Mundial 1982 ?Bien sûr. Ce sera ma grande chance. Je crois que l’Argentine pourra conserver son titre à cette occasion et je tiens à y participer. Je pourrai y démontrer quelles sont mes qualités de footballeur. En 1978, en Argentine, je me suis senti abattu et désillusionné lorsque j’ai été exclu de la liste des vingt-deux, car j’étais certain que je ferai partie de la sélection. Le directeur technique Menotti m’a expliqué pourquoi il m’a finalement écarté.

Ce fut un coup dur pour toi.Sûrement. Vous savez, à mon âge, il m’a semblé que tout s’écroulait. Je ne voulais plus jouer au football. C’était comme si le monde finissait. Tant d’illusions qui s’évaporaient dans un moment. Mais, ensuite, tous ceux qui m’aiment bien m’ont encouragé et m’ont fait voir la réalité en me disant de ne pas me préoccuper, car j’aurais plusieurs années pour jouer en sélection. Et c’était vrai. Maintenant, je suis titulaire ! 

«Je sais que le football peut me donner une garantie totale dans la vie»

Que ressens-tu maintenant que les gens viennent pour te voir jouer ?De l’orgueil, car le fait de savoir que les gens viennent au stade pour voir jouer Maradona indique que j’apporte vraiment quelque chose sur le terrain et que j’ai certaines aptitudes. Le revers est que je reçois beaucoup de coups et que mes rivaux me poursuivent dans tous les coins du terrain. Mais c’est le prix du succès. 

Quel est ton football ? Comment peux-tu te définir ?Je suis un avant. Ma jambe gauche est la plus apte, mais, bien entendu, je n’ai aucun problème pour manier le ballon avec l’autre. Le dribbling me plaît, mais je le fais en regardant le but adverse. Marquer un but, c’est mon obsession.

Le fait d’être une idole à ton âge, cela ne te pose pas de problèmes ?Non. J’ai des amis et des parents qui me donnent de bons conseils, alors je sais que le football peut me donner une garantie totale dans la vie et l’argent nécessaire pour n’avoir plus de problèmes et vivre très bien. Mais tout cela s’obtient avec soin et avec travail. Je peux jouer longtemps, mais seulement si je rends tout ce qu’on attend de moi. Si cela n’arrive pas, le même public qui aujourd’hui vient me voir demain viendra me siffler.«Pelé m’a dit : « Ne crois jamais que tu es le meilleur, parce que le jour où tu penseras cela, si tu l’es, tu ne le seras plus. »»

Tu as accompli quelques-uns de tes rêves ?Il y en a plusieurs qui se sont accomplis, celui d’arriver à la Première Division, celui d’être titulaire de mon équipe et celui de jouer dans la sélection argentine. 

Non, je voulais dire le rêve d’avoir été avec Pelé… Tu l’as vu à Rio de Janeiro, n’est-ce pas ?Oui, on m’a amené pour faire un reportage avec Pelé et nous sommes restés ensemble toute une journée. J’avais honte. Vous savez ce que c’est d’être à côté d’un «génie» connu mondialement ? C’était le meilleur cadeau qu’on a pu me faire. Quel personnage ! Il m’a parlé avec tant de clarté ! C’est un être humain comme il y en a peu dans le monde. 

Quels sont les conseils qu’il t’a donnés ?Plusieurs, mais principalement, quant au football, il m’a conseillé d’être humble, de me dépenser quand je suis sur le terrain, de jouer toujours, de ne jamais frustrer les spectateurs parce que le public paie pour voir un spectacle. En plus, et surtout, il m’a dit de surveiller ma vie privée, de ne pas commettre les erreurs des jeunes qui pensent à la vie facile et de me méfier des amis qui m’approchent maintenant que je suis populaire. Je pense que de la façon dont il m’a parlé je ne peux pas faire autre chose que démontrer que j’ai su assimiler ses conseils.

Dis-moi une phrase dont tu te souviennes de ce que t’a dit Pelé ?Très simple. Il y en a une que je n’oublierai jamais. Il m’a dit : « Ne crois jamais que tu es le meilleur, parce que le jour où tu penseras cela, si tu l’es, tu ne le seras plus. » Dans le football, tout dépend des résultats. En plus, il m’a dit que pour signer mon contrat, il faut lutter jusqu’au bout parce que je peux prétendre gagner le maximum, mais une fois le contrat signé, je dois me consacrer uniquement au football, car l’homme doit accomplir toutes les obligations et démonter ce qu’il vaut. 

Raconte-moi quand tu jouais à la mi-temps pendant les matches d’Argentine juniors.Bon, j’appartenais aux équipes d’enfants du club et pendant la mi-temps de chaque match je m’amusais à pirouetter avec le ballon. De cette façon, les gens aussi s’amusaient et riaient des choses que j’étais en train de faire. 

Qu’est-ce qu’on te dit chez toi maintenant que tu es si populaire ?Ils vivent comme dans un rêve. Les gens ne cessent pas de me réclamer, mais mes parents aussi savent que je dois me soigner et ils ne me laissent pas sortir le soir.»Voilà le «chiquilin» qui charmait les amateurs pendant les mi-temps des matches. Il est maintenant l’idole indiscutable de son pays et les fanatiques de son club chantent son nom en disant : «Maradona ne se vend pas… Maradona ne s’en va pas… Maradona est du quartier… Du quartier de La Paternal… » Les gosses un peu moins âgés que lui le poursuivent pour lui demander sa signature. Et c’est à lui-même que Pelé a promis de venir en Argentine pour le voir jouer, si Argentinos Juniors dispute les finales du Tournoi métropolitain. Parce que le public argentin chante aussi cette phrase : «Et… vous le voyez… Et… vous le voyez… Maintenant, on dit que Maradona est le fils de Pelé…» Diego Maradona est à peine un adolescent. Il commence à connaître la vie, la popularité. Il est de ces footballeurs qui naissent seulement de temps en temps. Espérons qu’il ne change pas de route, que ses jeunes 18 ans ne l’empêchent pas de voir la vérité du football mondial. Cette vérité qu’on peut trouver seulement dans le périmètre du terrain, car le reste est très relatif.

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