Comment améliorer sa condition physique en s’amusant en toute occasion ? Le saut à la corde

Cet article provient du magazine du Conseil Départemental du 94 SPORT SANTE et PREPARATION PHYSIQUE du mois de Juin 2020.

Jeu pour les enfants et discipline sportive à part entière pour les compétiteurs, le saut à la corde est aussi utilisé à l’échauffement et en préparation physique notamment par de nombreux boxeurs.
– Quels sont les effets de la pratique du saut à la corde sur l’organisme ?
– Comment cette activité peut-elle permettre de développer la condition physique ?
– Quels exercices peut-on proposer aux sportifs pour cela ?

Le saut à la corde : éclairage anatomique et physiologique

Les systèmes mis en jeu :

  • Sur le plan articulaire
    Les hanches, les genoux, les chevilles et le rachis lombaire sont sollicités et doivent notamment absorber des contraintes mécaniques importantes. Bien qu’il existe un risque d’entorse de cheville, comme dans toute activité impliquant des sauts, celui-ci s’amoindrit au fur et à mesure de la pratique car la nécessité de passer la corde sans l’arrêter avec le pied stimule la flexion dorsale de la cheville, et ainsi lui permet de mieux se préparer à la réception du saut. Les membres supérieurs sont également sollicités, mais de manière qualitative. La pratique de la corde à sauter demande une importante coordination de l’ensemble du corps.
  • Sur le plan musculaire 
    Les muscles les plus quantitativement sollicités sont les muscles de la chaîne d’extension du membre inférieur : grands fessiers, quadriceps, triceps sural et ischios-jambiers. De plus, le gainage assuré par les grands droits de l’abdomen et les transverses, permet la stabilisation du tronc et donne ainsi une base solide à l’ensemble du corps. La stabilisation du bassin en situation d’appui unipodal est assurée par les moyens fessiers.
  • Sur le plan cardio-respiratoire
    Comme l’ont montré Town & Col. (1980) « le saut à la corde est un exercice très ardu », les valeurs moyennes de MET (Métabolic Equivalent of Task), qu’ils ont mesurées à différents rythmes, variaient de 11,7 à 12,5.

Le saut à la corde : éclairage biomécanique

Analyse biomécanique et musculaire du saut à la corde

Traduction du commentaire de la vidéo « Le saut à la corde peut améliorer l’élasticité et la résistance des muscles des membres inférieurs, réduisant les risques de blessures [Il], renforce les muscles du mollet et améliore l’élasticité des tendons et des fascias qui les entourent.
Les fibres musculaires des mollets se contractent presque en isométrie, tandis que les éléments collagènes des fascias et en particulier celles du tendon d’Achille, s’allongent et se raccourcissent comme une corde élastique. Lorsqu’elles sont étirées, les fibres élastiques des tendons emmagasinent de l’énergie. Lorsqu’elles sont libérées, les tendons reviennent rapidement à leur longueur initiale, libérant l’énergie emmagasinée.
Les mollets sont principalement impliqués dans le saut.
Le soléaire aide à la flexion plantaire de la cheville. Les fessiers et les quadriceps assurent la rigidité et minimisent la dissipation de l’énergie cinétique […] ».

Apprendre la corde à sauter en 1min30 avec Ilyes Debbah

Le saut à la corde : éclairage physiologique

Le saut à la corde est une activité de haute intensité. En effet, elle met en jeu des groupes musculaires importants par les rebonds répétés qui impliquent de s’extraire de la gravité juste après chaque réception. Ceci nécessite une dépense énergétique très élevée.

Le saut à la corde sollicite ainsi et intensément les métabolismes aérobie et anaérobie. Cette pratique exige beaucoup des capacités aérobies (femmes, 92% VO2max, hommes, 76-88%) et anaérobies (femmes, 100-106% des valeurs de lactate après un maximum d’exercice à vélo ; hommes, 58-72%) » (Quirk & Sinning, 1982).

Comme l’ont démontré Yamaguchi & Col. (2002), une fréquence de saut élevée (>92 sauts/min) entraîne un temps de contact avec le sol très court, ce qui entraîne une diminution du pic de force et ainsi une diminution des contraintes mécaniques sur les muscles et les articulations. Ces auteurs concluent qu’une fréquence de saut plus élevée entraîne ainsi une meilleure utilisation du cycle étirement-contraction, et donc de l’élasticité des tendons et des muscles. Ainsi, l’augmentation de la fréquence des sauts, dans une certaine mesure, n’entraînerait pas d’augmentation significative de la consommation d’oxygène (Quirk & Sinning, Op. Cit). Cependant, des fréquences extrêmement élevées demanderaient plus d’énergie, justifiant par ailleurs qu’une augmentation de la fréquence s’accompagne d’une diminution de la hauteur des sauts, car impliquant une dépense énergétique moindre.

Aussi, les éducateurs sportifs sont incités à n’exiger des débutants sédentaires que des rythmes lents leur permettant de progresser. En effet, comme le montrent Yoshida & Col. (2018), la dépense énergétique à une fréquence de 70 rotations par minute serait de 4,3 MET alors qu’elle serait de 8,6 MET pour 110 rotations par minutes, un rythme bien moins supportable par les débutants.

Comparaison du saut à la corde et d’autres activités aérobies

Saut à la corde vs sauts classiques, à l’échauffement : utilisant le five alternate leg bound  test, Makaruk (2014) a montré que chez des sauteurs en longueur de niveau national, un échauffement composé de sauts à la corde était plus efficace qu’un échauffement avec des sauts simples Par ailleurs, Trecoci & Col. (2015) ont montré que chez des enfants footballeurs, un échauffement à la corde à sauter induit de meilleurs résultats au Harre circuit test d’habileté motrice, ainsi qu’un meilleur équilibre dynamique unipodal, qu’un échauffement classique de football.

Saut à la corde vs Step : Ghosh & Kundu (2019) ont montré que, tout en étant aussi ludique et favorisant la persévérance, le saut à la corde à deux pieds est plus efficace pour améliorer la VO2 max que le Step.

Saut à la corde vs Jogging : Baker (1968) a montré que 10 minutes de saut à la corde tous les jours pendant 6 semaines améliore autant l’efficacité cardiovasculaire au Harvard step-test, que 30 minutes de jogging avec la même fréquence d’entraînement. Mais, ceci a été contredit par une expérience réalisée par Buyze & Col. (2015), précisant, en plus, que « le groupe de saut à la corde avait des taux de blessures et d’abandon plus élevés ».

Par ailleurs, Miyaguchi et al. (2015) ont montré que les enfants réalisant les meilleures performances en double unders réalisaient également les meilleures performances de sprint (sur 20m). Aussi, ces auteurs proposent d’utiliser le saut à la corde classique et le double unders comme un moyen pliométrique d’améliorer les performances en sprint chez les enfants.

Amélioration des qualités physiques

Il est possible de stimuler voire d’améliorer différentes qualités physiques par le saut à la corde.

Exercices « basique », « side-swing » et « double unders » démontrés par Ilyes Debbah

  • Relâchement musculaire : l’exercice « Side-swing » permet de relâcher les muscles du tronc. Ils peuvent s’enchaîner sans sauter ou comme dans la vidéo, en alternant mouvements des bras avec et sans saut. Cet exercice est utilisé en récupération active.
  • Proprioception : Ozer & Col. (2011) ont montré qu’un programme d’entraînement de 12 semaines de saut à la corde permettait une amélioration significative de la proprioception chez des joueuses de volleyball : « Ajouter du saut à la corde, aux programmes d’entraînement, améliore le repositionnement et la coordination des articulations ».
  • Endurance : le « Saut basique » en corde à sauter permet de travailler son endurance. Le rythme et la durée peuvent varier. Pour rester en aérobie, il faut utiliser un rythme assez lent (<90 sauts/min, cf. éclairage physiologique) sur une durée élevée. En outre, l’utilisation d’une corde plus légère et plus fine entraîne un cycle de tour de corde plus facile et rapide et donc une facilité à augmenter la fréquence des sauts, ce qui peut être utile pour allonger le temps de l’exercice pour développer l’endurance chez des sujets avec un minimum d’expérience de pratique (Azuma, 2016).
  • Détente verticale : Colakoglu & Col. (2017) ont montré que, chez des volleyeuses, un entraînement de 12 semaines de saut à la corde permettait une amélioration significative de la hauteur de saut, ainsi qu’une diminution de la masse graisseuse.
  • Explosivité : L’exercice « Double unders », que l’on retrouve beaucoup en cross-training, engage le train inférieur et travaille les muscles en pliométrie car le contact au sol est très court. Cet exercice permet d’améliorer l’explosivité. De tels exercices de saut à la corde permettraient d’améliorer la puissance musculaire sous sa forme d’expression explosive, ainsi que l’efficacité du cycle étirement-contraction, au bénéfice de la vitesse des déplacements en saut et en course (Wilson & Flanagan, 2008). Utilisés à l’échauffement, ils permettraient aussi d’améliorer la raideur musculo-tendineuse diminuant ainsi les risques de blessure des membres inférieurs (Ibid).

En effet, l’étude de Miyaguchi & Col. (2014) conclue que les exercices de corde à sauter peuvent être un bon moyen de développer les capacités du cycle étirement-contraction, notamment avec l’exercice des double unders, qui utiliserait environ 70% de la capacité du cycle étirement-contraction. Le cycle étirement-contraction induit par le saut à la corde permettrait de développer la capacité de libérer plus de force et plus rapidement, donc la puissance.

Il est aussi possible d’améliorer les capacités de bondissement en faisant varier les hauteurs de saut et leurs répétitions en séries plus ou moins longues et espacées.

Conclusion

Ludique et efficace, le saut à la corde peut être pratiqué en toutes occasions et de façon ludique pour améliorer sa condition physique.

Comme la course à pied, il est possible de faire des efforts : en continu, en variation d’allure ou d’intensité, en contraste de phase et même en fractionné à plus ou moins haute intensité.

Mettant en jeu tout le corps avec très peu de matériel, cette activité permet ainsi d’entretenir voire de développer l’endurance cardiovasculaire mais aussi la coordination, la proprioception, la détente et l’explosivité (Cavalier, 2017).

Juliette CAVALIER*, Ilyes DEBBAH* & Rachid ZIANE
 

* Masseuse-kinésithérapeute diplômée d’Etat, Juliette CAVALIER est aussi titulaire d’un Master de recherche en STAPS « Psychologie, Contrôle Moteur, Performance Sportive ». Elle est également 3 fois championne de France et championne du monde de Double dutch.
* Titulaire de la Licence Pro « Métiers de la forme – Responsable d’équipe et de projets », Ilyes DEBBAH est aussi 6 fois champion de France de saut à la corde et champion du monde de Double dutch.

Références :

  • Azuma, A. (2016). Effects of different types of ropes on jump cycle while skipping. Research Reports : 87-1 : 197-194.
  • Baker, J.-A. (1968). Comparison of rope skipping and jogging as methods of improving cardiovascular efficiency of college men. Research Quarterly. American Association for Health, Physical Education and Recreation. 39(2).

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